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Premier Tour de l’économie biosourcée : quels enseignements ?

Analyse
02.02.2023
Tour de l'économie biosourcée

De fin novembre 2022 à fin janvier 2023, Valbiom a organisé en Wallonie le premier Tour de l’économie biosourcée (TEB). Au total, 6 entreprises de 6 secteurs différents ont ouvert leurs portes pour des exposés, des visites et du networking. Quels sont les enseignements tirés du Tour ? Quel intérêt de développer le biosourcé ? Quel est son avenir en Wallonie ?

Pour rappel, le premier but du TEB, soutenu par Circular Wallonia, était de démontrer l’importance de l’économie biosourcée pour la Wallonie au travers d’exemples concrets. Et des exemples, il y en a eu. Au travers notamment des entreprises COSUCRA (agro-alimentaire), STABILAME (construction), DE POORTERE FRERES (textile), FUTERRO (bioplastique), NATEXTRA (extraction) et AJINOMOTO (protection des plantes), c’est tout un écosystème qui s’est révélé aux yeux des 202 participants à cette première édition.

Alternative indispensable
Pour rappel, l’intérêt de l’économie biosourcée est de proposer une alternative à l’économie pétrosourcée, en bout de course (finitude des ressources, impacts environnementaux, tensions géopolitiques). L’utilisation de la biomasse possède des qualités aptes à redynamiser et rendre bien plus vertueuse notre économie : ressources proches renouvelables rapidement, process de fabrication peu énergivores, relocalisation des outils de production et des emplois, utilisation de coproduits ou de sous-produits issus de l’industrie pour créer une valeur ajoutée, avec la mise sur le marché de nouveaux produits aux propriétés inédites et respectueuses de l’environnement. Signe des temps, l’objectif de décarbonation de nos économies est aujourd’hui une priorité et l’utilisation judicieuse de la biomasse est indispensable pour atteindre le sacro-saint zéro carbone programmé par l’Europe pour 2050.

Limites ou opportunités ?
Tout changement comporte évidemment une part de challenge. Et selon les premières estimations, en utilisant la biomasse disponible au maximum de ses capacités de renouvellement, celle-ci ne sera pas suffisante pour conserver notre niveau actuel de consommation de biens et services. Est-ce un mal ou un bien ? Ou plus simplement l’opportunité de transformer notre modèle économique basé sur la quantité et le linéaire (je consomme et je jette) vers un modèle plus qualitatif et circulaire (je consomme et je réutilise) ? Les évolutions climatiques, sociales, politiques nous y poussent inéluctablement. Bien entendu, le débat sur la consommation dérange encore fortement, car touchant à des habitudes fortement ancrées et à un certain sentiment de liberté acquise, transféré au comportement consumériste. Il y a cependant fort à parier que des mesures seront prises dans les prochaines années par nos gouvernements pour progressivement modifier ces comportements. Mais c’est une autre histoire.

Le pari gagnant de la circularité
Revenons aux opportunités de l’économie biosourcée. Depuis une trentaine d’années, plusieurs entrepreneurs wallons les ont identifiées et s’y sont lancés avec courage. Premier constat : le pari, au départ audacieux, s’avère au final gagnant pour ces pionniers. Ainsi, COSUCRA, a transformé son business model, passant de la production de sucre vers celle de protéines végétales. L’entreprise de Warcoing transforme chaque année plusieurs centaines de milliers de tonnes de chicorées et de pois en ingrédients alimentaires, et est devenue un leader mondial de son secteur. STABILAME, pionnier de la construction bois en Wallonie tire son épingle du jeu en étant le seul en Europe à proposer l’ensemble des systèmes constructifs bois, avec la possibilité de combiner ceux-ci. Le bureau d’études est d’ailleurs intégré à l’entreprise afin d’assurer une maîtrise technique parfaite des ouvrages. Et bien entendu, l’utilisation de bois local au moment où les prix du béton explosent s’avère un choix judicieux.

ADN renouvelable
Autre constat : ces entreprises ne limitent pas leur champ d’actions au seul critère renouvelable de leurs ressources. Une fois le chemin durable entamé, leur vision s’est modifiée et les a amenées à considérer d’autres impacts et à réduire ceux-ci, en intégrant la circularité dans leur politique RSE. Ainsi, grâce à un processus de production optimalisé, STABILAME ne perd pas une miette de bois : la production des pièces de construction est économe en ressources, notamment grâce à la technique de coupe/aboutage, et les chutes sont utilisées pour produire des bûchettes de chauffage en bois compressé. Et la fraction non réutilisable ? Elle est utilisée pour chauffer les halls de production de l’entreprise via des chaudières adaptées. Autre exemple : COSUCRA récupère déjà du biogaz issu de sa station d'épuration et souhaite investir dans une unité de biométhanisation utilisant ses résidus de production. Le but ? Augmenter son autonomie énergétique et réduire son empreinte carbone. Le digestat obtenu à la sortie du processus de biométhanisation servira comme engrais pour des champs alimentant en matière première l’usine. La boucle est bouclée. Et c’est une constante : une fois le renouvelable intégrée à l’ADN même de l’entreprise, l’ensemble du système de production est repensé, amélioré selon une vision empreinte de circularité.

L’économie biosourcée se déploie (lentement) en Wallonie mais…
Peut-on tout faire avec la biomasse ? Non. Mais on peut déjà faire beaucoup : construire des bâtiments, produire des vêtements, produire du bioplastique, produire de l’énergie, extraire des molécules utiles dans les compositions pharmaceutiques, les détergents, etc. Et le tout de manière circulaire avec un impact carbone bien plus faible que des équivalents pétrosourcés. Et utiliser la biomasse ne veut pas dire faire du « basique » ou forcément du low-tech. Au contraire, grâce aux connaissances techniques actuelles, de nombreux composants issus de la biomasse sont redécouverts sous un jour nouveau pour leurs qualités techniques et sont utilisés dans des productions de pointe. Le premier TEB  a permis de démontrer l’installation concrète, durable et souhaitée de l’économie biosourcée en Wallonie. Les entreprises qui ont fait le pas et transformé leur business model sont « armées » pour le futur.

… quid du futur ?
Il est donc surprenant qu’aujourd’hui, peu de start-up se lancent dans l’aventure du biosourcé. L’économie biosourcée, malgré un immense potentiel serait-elle encore encore trop peu connue ? Une enquête menée en 2022 par les pouvoirs publics démontrait que 60% des entrepreneurs ignorent ce que représente l’économie circulaire. Or, des liens étroits existent entre circularité et biosourcé. Il est donc grand temps de promouvoir les opportunités concrètes du secteur en Wallonie, principalement au sein des milieux économiques et politiques. Des mesures favorisant l’émergence de « jeunes pousses », telles que Polypea (production de bioplastique à partir d’amidon de pois) sont indispensables afin de permettre à notre économie, et plus largement à l’économie européenne, de développer une valeur ajoutée concurrentielle tout en maintenant un bien-être social et environnemental.